Canard à front blanc

Hier était un matin d’hiver. La température atteignait zéro degré Celsius, une bise glaciale nous crispait les pommettes, les mains et les pieds.

Le soleil était fraichement levé, trop timide, il se cachait derrière d’épais nuages gris.

 

L’étang de l’écopôle du Forez était encore libre de glace, les Hérons cendrés guettaient leurs proies d’un œil aguerri et les canards nageaient paisiblement. Nous étions à la recherche de l’un d’eux, un américain. Parmi tous ces anatidés visibles depuis l’observatoire des bécassines, aucun ne lui correspondait. Les Canards colverts abondaient, certains dormaient encore, d’autres se nourrissaient alors que plusieurs entreprenaient à un nettoyage méticuleux de leur plumage. Les Canards souchets et siffleurs, les Grands Cormorans et les Foulques macroules s’occupaient de la même façon. Quel calme.

Soudain un vrombissement impressionnant vint briser cette quiétude. Les canards s’envolèrent d’un seul coup, dans un même mouvement. Tous eurent le même reflexe. Un Faucon pèlerin survolait l’étang à la recherche de sa pitance. Un vol de repérage certainement. Le rapace disparu et le calme revint, comme si rien ne s’était passé.

 

Nous quittions l’observatoire pour emprunter le chemin longeant le point d’eau. Une multitude de passereaux nous accompagnait. Les Mésanges à longue queue et les Tarins des aulnes étaient les plus nombreux.

 

Le sentier débouchait sur l’observatoire des cormorans. Là les Canards colvert et siffleurs étaient majoritaires. L’américain n’était toujours pas là. Les cris des colverts se transformaient en rires moqueurs ; incessants et agaçants.

Nous quittions l’observatoire, dépités de cette vaine recherche. La boucle était presque bouclée.

Le sentier nous rapprochait de la sortie. Nos mains engourdies par le froid nous faisaient presque mal, notre malchance devenait cette fois belle et bien légendaire.

Depuis un point de vue dégagé derrière les arbres, nous vîmes trois Oies rieuses se nourrissant. Un canard siffleur nageait et croisa un autre canard, un peu diffèrent. Il semblait un peu plus contrasté, et une bande verte légèrement métallique apparaissait à l’arrière de l’œil, un peu comme une Sarcelle d’hiver. Ca n’était pas un Canard siffleur mais son cousin d’Amérique, le Canard à front blanc. Celui qui nous poussait à affronter le froid et cette bruine glaciale qui nous fouettait le visage.

D’un seul coup le « yankee » s’envola, accompagné d’une dizaine de siffleurs, le Faucon pèlerin apparu et, à une vitesse époustouflante piqua sur l’un d’eux les serres déployées. Manqué, l’anatidé évita le coup.

Nous partîmes après cette observation, rassurés que la malédiction eut disparue.

 

C’était le récit de ma 357ème coche française.

                                                                                 Julien GRUET

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